Le Grenier du Mac

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Égypte, L'énigme de la tombe royale

 

Cryo Interactive

Aventures

système 7.1 ou +
processeur PPC


640*480 en 16 bits, sound manager 3

couleurs, français, 12 Mo ram

1997

environ 522 Mo compacté

 

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J'avais à l'origine rédigé cet article pour feu MACAJ. Voici dorénavant le test et le jeu dans le Grenier. Depuis 2002, feu Cryo n'est plus, sonnant ainsi la fin de plusieurs gros éditeurs multimédia français. Une partie du succès de Cryo s'est joué sur Mac, beaucoup de leurs produits y tournant jusqu'à OS9, le passage à OSX n'ayant jamais été assuré. La spécificité de Cryo est d'avir, dans la seconde partie de son expension, presqu'exclusivement sorti des jeux d'aventures point'n click basé sur leur moteur Omni3D (très proche à QuickTime VR) qui permet d'avoir une vue panoramique des décors à 360°. On notera que Cryo a été créé en 1990 par Philippe Ulrich, créateur fêlé du mythique Captain Blood.

La sortie en 1996 de Versailles, complot à la cour du Roi-Soleil iniciait une longue série de jeux d'aventure graphique à forte composante culturelle et historique. L'idée de base de tous ces produits renouvelait le genre tout en élargissant le public cible des jeux vidéo. A l'origine de cette série, nous trouvons Canal+ multimédia, la RMN et Cryo interactive qui a développé la technologie dite Omni 3D prégnante dans chacun de ces programmes, par la suite certains titres verront leur développement confié également à Index+ ou Axel Tribes.
Sorti en 1997, Égypte, l'énigme de la tombe royale est donc le deuxième opus de la série. Construit comme son prédécesseur, il propose trois activités accessibles depuis le menu de premier niveau : une navigation libre aux fins de visiter les lieux de l'action, la consultation du fond documentaire conçu comme un ensemble de fiches encyclopédiques reliées par des liens hypertextuels et enfin le jeu d'aventure lui-même. Lors de ce test, nous nous intéresserons essentiellement à la partie jeu du produit.

Et tout d'abord, pour entrer dans le vif du sujet, rappelons brièvement le contexte et l'enjeu d'Égypte. Vous êtes en 1156 avant JC, sous le règne de Ramsès III. Votre père Meryimen, le directeur du bureau des archives de l'administration du Vizir Tô a été arrêté, il est accusé d'avoir commandité le pillage d'une tombe royale, crime qui peut lui coûter la vie et plus encore. Vous, son fils Ramosé, disposez de trois jours pour l'innocenter et démanteler, en utilisant un terme un peu anachronique, un complot « politico-financier » ; le vizir vous soutient et un mystérieux personnage surnommé le Cobra vous fait parvenir des informations.
Hercule Poirot au pays des Égyptiens, l'idée est alléchante et on se tient près à actionner ses méninges jusqu'à la surchauffe pour résoudre les énigmes qui vont se présenter. Toutes ces promesses seront-elles tenues et le joueur finira-t-il le parcours subjugué, enthousiaste, épuisé mais heureux ? That is the question ?

Du point de vue de la conception, Égypte est un jeu d’aventure dans lequel vous visitez différents lieux en vous déplaçant grâce à la souris à la recherche d’indices et d’objets que vous êtes amenés à faire agir les uns avec les autres. Ce jeu intègre donc un inventaire dans lequel vous mettrez les objets collectés. Vous faites apparaître l'inventaire à l'écran en appuyant sur la barre d'espace et le faites disparaître de la même façon. Évidemment, cela peut parfois paraître incongru de se promener avec tant de choses dans les poches sans éveiller l'attention, mais ceci n'est pas gênant, il s'agit plutôt d'une constante dans ce type de produits où il s'agit de faire « comme si », car peu importe du moment que l'on s'amuse.
Vient ensuite la partie plus interactive où l’utilisateur peut agir dans l'environnement visité en jouant du mulot sur des objets ou des personnes. Égypte propose à cet effet un ensemble d'actions relativement restreint, chacune d'entre elles étant évidemment symbolisée à l'écran par un changement d'état du curseur. De façon générale, nous pouvons dire que les modalités d'action dans ce jeu ont une bonne prédictibilité et sont cohérentes d'un bout à l'autre du jeu, en cinq minutes le joueur aura compris ce qu'il peut faire et comment. Vous pourrez donc vous déplacer dans le décor, observer de près certains éléments, prendre des objets pertinents, agir sur des éléments de l'environnement avec ce dont vous disposez dans votre inventaire. Dans un souci de simplification, le type d'action à mener est pris en charge par le programme, par exemple dans les premières minutes du jeu, vous allez récupérer un bâton, par la suite vous croiserez un serpent, en agissant avec votre bâton sur ce dernier vous le tuez littéralement et si vous vouliez faire autre chose comme l'éloigner ou vous amuser avec, sachez que cela n'a pas été prévu par les concepteurs. Nous sommes dans une enquête « sérieuse », défense de faire des expériences oiseuses.
Venons-en aux interactions verbales, puisque vous aurez également à converser avec les autres personnages. Une grande partie des dialogues est prise en charge par une cinématique, l'utilisation de Motion Capture et d'Omni Sync rend l'ensemble bien joli, mais le joueur est également bien passif écoutant ce qu'il est censé être en train de prononcer. Lorsqu'en revanche vous pouvez vous « exprimer », vous le ferez en choisissant parmi les phrases qui vous sont proposées à l'écran, rassurez-vous : faire le bon choix ne s'avère pas très difficile.
En revanche, il y a une chose que l’on peut faire à loisir, c'est se perdre grâce à l'Omni 3D qui nous permet de faire des tours complets sur nous-même à la vitesse d'une toupie pour se rend compte que l'Égypte est décidément pleine de colonnes exactement toutes pareilles et de murs désespérément blancs que rien ne distingue les uns des autres ; bref, on peut parfois tourner longtemps ou faire du sur place, car certains éléments du décor sont insuffisamment différenciés, je reviendrai plus loin sur quelques problèmes d’affichage.
Comme je l’évoquais précédemment, votre enquête se déroule dans sept lieux différents : la tombe profanée (celle de Séthi 1e), le village de Deir El Medineh, l'atelier des embaumeurs, la tombe du noble, la maison de Panéhésy et le temple d'Amon Ré. Vous pouvez, grâce au module « visite » qui est accessible depuis le menu d'accueil, visiter chacun de ces lieux et plus si affinités, d’ailleurs profitez-en, car en phase de jeu, il n'en sera pas de même. En effet, les différents sites ne vous seront accessibles que selon un ordre préétabli et sous réserve d'avoir à peu près accompli tout ce qui devait l'être dans chacun d'eux. Tout a été parfaitement cadré par les concepteurs ce que je trouve parfois un peu dommage, car rien n'empêchait de laisser le joueur tâtonner en allant perdre son temps dans les différents sites. Je dis cela d'autant plus que dans chacun de ces lieux le nombre d'actions à réaliser est relativement restreint et la quantité de distracteurs assez faible, nous ne sommes pas dans Discworld ou Myst.
Disons-le une bonne fois pour toute, Égypte n'est pas un jeu très drôle. Mais puisqu'il s'agit d'une enquête, voyons voir si nos méninges sont véritablement mises à l’épreuve. Oui et non, répondrais-je. Oui, car certaines énigmes sont vraiment bien concoctées et que pour les résoudre il faut recourir à plusieurs indices ainsi qu’à la base encyclopédique, malheureusement toutes ne sont pas de qualité homogène, et certaines actions semblent totalement gratuites soit parce qu'elles ne sollicitent du joueur que son clic, soit parce qu'elles sont uniquement là pour le faire chuter et retarder la fin du jeu. À ce titre, je donnerai deux exemples. Le premier se situe vers la fin de l'enquête lorsqu'un prêtre demande à Ramosé de comparer l'heure relevée grâce aux étoiles avec celle qu'indique la vasque de la clepsydre, ne vous creusez pas la tête en cherchant midi à 14 heures, et cliquez derechef sur le prêtre après avoir récupéré une soucoupe qui traînait par terre, vous verrez, ça répondra tout seul...
Concernant le second problème soulevé, j'ai remarqué que certaines actions ne pouvaient pas être réalisées du premier coup, à ce titre l'une des scènes les plus illustratives a lieu dans le jardin de Panéhésy : vous poussez la porte et vous faites un pas à l'intérieur, à ce moment-là vous n'avez pas la main puisqu'il s'agit d'une cinématique, quand vous reprenez la main, un archer embusqué vous expédie deux flèches, comme il s'agit à nouveau d'une cinématique vous restez bloqué là comme un sot à vous faire tirer dessus. Vous vous rappelez alors que vous avez dans votre attirail un boomerang qui doit bien servir à quelque chose, vous vous apprêtez à tirer, au jugé car dans les frondaisons on n'y voit quasiment rien même en réglant la luminosité du moniteur au maximum, heureusement que le curseur clignote lorsque vous visez au bon endroit et là, surprise, vous recevez une troisième flèche dans le poitrail qui vous envoie ad patres. En effet, rappelez-vous que nous ne sommes pas dans un jeu d'action et qu'ici les commandes sont limitées, il n'est donc pas question de se baisser, de courir ni d'avancer sur la pointe des pieds. En réalité, en rechargeant la partie et donc en ressuscitant, vous pourrez anticiper sur les événements et sitôt la porte du jardin franchie prendre votre boomerang et vous en servir avant même que quiconque ne vous ait tiré dessus. Ce n'est certes pas de la légitime défense, mais vous voilà débarrassé de l'embarrassant archer, car quand on est Égyptien on a soit sept vies soit un troisième œil.
Malheureusement, le joueur rencontrera ce type de scène peu cohérente à plusieurs reprises. À mon sens, il s'agit là tout simplement de raccourcis scénaristiques qui gâchent le plaisir du jeu, car lorsque l'on réussit à résoudre ces problèmes, on ne se sent ni plus intelligent ni plus satisfait.
En ce qui concerne la collecte des indices, celle-ci doit souvent se faire dans un certain ordre ; les objets sont dissimulés dans des endroits précis, ils ne bougent pas et le fait de les trouver à tel ou tel moment ne fait pas varier l'histoire et seule leur présence ou absence influe sur la conclusion. De plus, tout ce qui est trouvé doit servir à quelque chose de précis, il ne s'y mêle pas de distracteurs, cela finit par rendre l'ensemble un peu monotone voire ennuyeux, on aimerait, même si cela rend l'aventure plus complexe, qu'il existe plusieurs possibilités d'action aux efficacités différentes et que les objets puissent être maniés à bon ou mauvais escient, voire même que certains soient parfaitement inutiles.
Concernant la reconstitution du milieu ambiant, je suppose qu'elle est fidèle à ce que les spécialistes savent de la période, d'autant que le fond est validé par M. Etienne, conservateur au département des antiquités égyptiennes du Louvre. Pourtant, à mon humble avis, l'Égypte qui nous est ici présentée manque sérieusement de relief et de vie et on aurait plutôt l’impression de se promener dans un musée. Effectivement, nous voyons de belles représentations d'objets et d'éléments architecturaux mais dieu que tout cela est vide... À croire que les seuls habitants sont ceux directement concernés par l'enquête, promenez-vous dans le village, vous n'y verrez quasiment pas un chat, les enfants ont dû être envoyés en pension, les femmes ne vont pas au marché, il n'y a d'ailleurs pas de marché. C'est en quelque sorte une Égypte de bas-relief que vous visiterez tout au long de votre enquête, et cela est bien dommage, du coup on peut se prendre à rêver au magnifique jeu de gestion Pharaon édité par Sierra (grrr, quand sera-t-il porté sur Mac ?). Le résultat est que l'on ne passe pas son temps à baguenauder et que finalement il faut bien se concentrer sur l'enquête, et rien d'autre.

Venons-en à la réalisation proprement dite, la qualité graphique ayant été l'un des arguments marketing de ce produit. Il faut bien dire que la réalisation d'ensemble est tout à fait correcte pour un produit sorti en 97 qui n'a en outre pas de grosses exigences matérielles. Les scènes en Motion Capture avec l'utilisation d'Omni Sync pour synchroniser les voix sont très belles, la modélisation des personnages (sauf les personnages féminins qui sont d’une rare laideur) étant fort réussie, le seul bémol étant qu'ils ont beaucoup de ressemblances les uns avec les autres si bien qu'on ne les reconnaît pas forcément. J'ai également remarqué quelques petits bugs dans l'attribution de phrases de dialogue à d'autres personnes, par exemple, vers la fin du jeu Ramosé donne un collier à une servante en disant « prends ce collier pour compléter ton habit », tandis qu'à l'écran nous voyons la servante articuler ces mêmes paroles, ce qui n'a aucun sens dans le contexte. L'utilisation de l'Omni3D vous permettra de faire des tours sur vous-même en visualisant l'ensemble des décors. Les liens entre deux scènes sont généralement pris en charge par une cinématique plutôt jolie, les paysages et les éléments d’architecture sont également bien rendus au vu des possibilités techniques allouées. Vous vous déplacez vous-même dans le décor en 3D de façon intuitive, il est vrai que parfois vous rencontrez quelques soucis pour aller exactement là où vous le souhaitez et il faut alors faire un détour, mais cela n’est pas très gênant.
Je crois l’avoir déjà dit, l’image est de belle qualité sauf dans les scènes qui se déroulent dans l'ombre ou à l’intérieur qui sont pixellisées et peu lisibles, la texture des murs ressemble dans ces cas-là à une bouillie brunâtre et parfois, repérer certaines portes ou éléments du décor actifs ne relève que de la chance ; il faut donc jongler avec les réglages du moniteur pour réussir à y voir quelque chose, j’ai remarqué que le fait de supprimer la correction gamma pouvait apporter certaines améliorations.
Concernant le manuel fourni, il est succinct et pour plus d’informations le joueur doit se rendre sur le site de Cryo (aide, faq, solutions). Signalons qu’un patch a été édité qui remédie à certaines incompatibilités avec le système 8.6.

Assez bavardé et concluons. Égypte est un jeu plein de promesses, car qui n'a pas envie de jouer les détectives au temps des pyramides, de se plonger dans un univers inconnu et de profiter d'une belle qualité graphique ? Mais malheureusement, le joueur reste sur sa faim, le récit est trop linéaire et manque d’imagination, le monde à explorer devient vite ennuyeux et fade, sans véritable reconstitution de l'ambiance de l'époque, disons qu’il y a beaucoup d’archéologie et peu de sociologie. Le problème est-il que ce jeu se veut culturel ? Personnellement, je ne pense pas, car l'utilisation de l'encyclopédie pour résoudre certaines énigmes n'est pas très contraignante même si un accès plus direct depuis l'écran « jeu » aurait été un choix plus ergonomique ; de plus, beaucoup de joueurs n’ont aucune objection au fait de se cultiver un peu. Je pense que les lacunes viennent plutôt du scénario qui n’est pas très riche et du choix opéré par les concepteurs de guider fortement le parcours du joueur, ainsi le plaisir du jeu s’atténue au fur et à mesure que la monotonie s’installe. Je ne dirai donc pas que ce jeu est un « navet », mais juste qu’il est décevant : le thème aurait mérité mieux.

 

 

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